EN ATTENDANT LES LIONS

« Naître quelque part n’est-il qu’un coup du sort, un hasard favor­able pour cer­tains et déplorable pour d’autres ? Biologique­ment, nous sommes un pro­duit, le résul­tat d’un croise­ment chro­mo­somique entre des géni­teurs par­ti­c­uliers dis­posant de car­ac­téris­tiques pro­pres. Nous appartenons d’abord à cette spé­ci­ficité. Et nous nous inscrivons ainsi dans une his­toire dis­tincte et sig­ni­fica­tive dont nous sommes d’entrée trib­u­taires. De fait, l’homme résulte du bras­sage géné­tique mené par ce que l’on pour­rait nom­mer les caprices de l’hérédité. Si, dans la folle course vers l’ovule, l’un des sper­ma­to­zoïdes l’emporte sur les quelque cen­taines de mil­lions d’autres pour se réaliser en une exis­tence par­ti­c­ulière, tous por­taient vraisem­blable­ment la poten­tial­ité d’un être orig­i­nal, sin­gulier, dis­tinct. Quand, à con­sid­érer la vie d’un point de vue observ­able dans la logique de son évolu­tion factuelle, il nous sem­ble nor­mal de vivre la sit­u­a­tion telle qu’elle se présente, à la mesurer à l’aune des innom­brables étapes qui se sont enchaînées au cours des temps, il appa­raît infin­i­ment prodigieux d’être ce que l’on est, ici et main­tenant. Que ceci ait été pro­duit par cela est un fait ; que cela ait pro­duit ceci n’était que poten­tial­ité. On ne peut jamais expli­quer qu’après coup la forme que pren­nent les choses. Qu’elles soient ainsi était, a pri­ori, large­ment incer­tain. L’actuel n’est que la matéri­al­i­sa­tion d’un pos­si­ble. La réal­ité qui sem­ble être la nôtre aurait pu être tout autrement… ou ne pas être du tout. A moins de croire que quelque mou­ve­ment téléologique ait pu peser sur le monde des prob­a­bil­ités ou encore d’accepter que ce qui est arrivé comme ce qui n’est pas arrivé appar­tient à une même néces­sité immuable, il faut con­venir que ce qui nous con­stitue nous échappe large­ment. L’enchaînement des formes relève mys­térieuse­ment d’un con­di­tion­nel instruit par on ne sait quelles cir­con­stances. Si les change­ments se pro­duisent suiv­ant la loi de la cause à l’effet, l’effet, à bien y regarder, n’est qu’un avatar échu d’un poten­tiel infini de pos­si­bil­ités livrées à la prov­i­dence. Il n’y a pas de rai­son pure. Il n’y a pos­si­ble­ment pas de rai­son du tout. Seule­ment une his­toire que l’homme se raconte pour se ras­surer, un fan­tasme intel­lectuel qui voudrait nous faire croire que l’évolution se développe de façon cohérente et vertueuse vers un but. Or, on se rend bien compte qu’il n’y a pas plus de pro­gres­sion unique de l’humanité que de direc­tion com­mune aux dif­férentes cul­tures. Fatale­ment, le chaos, un jour, rebat les cartes. » 

J’en étais à ce point de mes con­sid­éra­tions tan­dis que le jour décrois­sait peu à peu sur la savane. Bien­tôt vien­dra le cré­pus­cule, l’heure où, comme on le sait, les lions vien­nent boire… Mais il n’y a pas de nor­mal­ité dans le monde sauvage, pas de rai­son, pas de pourquoi. Chaque com­porte­ment relève de l’hypothèse. Tout y sem­ble aléa­toire, étrange et sur­prenant. Impos­si­ble de déduire des règles strictes et immuables —comme en réclame l’humain— sur ce qui motive et con­duit les ani­maux à agir de telle ou telle façon. Même si l’on peut miser sur des prob­a­bil­ités, tout ne repose que sur des con­jec­tures. Il s’agit ainsi d’abandonner d’emblée les inten­tions pré­conçues, les attentes cir­con­stan­ciées et les idées toutes faites pour accueil­lir le spec­ta­cle tel qu’il peut se présen­ter sur le moment, tan­tôt réjouis­sant, tan­tôt déce­vant, sans chercher à vouloir le soumet­tre aux caprices de la volonté, tout en lais­sant libre cours à nos fac­ultés d’émerveillement. Con­tinue read­ing

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STUPEFACTION

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INTRODUCTION A L’INSTALLATION: « Créa­ture récente et indé­cise, l’homme dut, tant bien que mal, pren­dre place sur une terre que d’autres formes de vie occu­paient depuis par­fois des dizaines de mil­lions d’années. On peut penser que, con­fronté à l’hostilité d’un milieu incom­préhen­si­ble, le pre­mier des sen­ti­ments qui s’imposa à sa con­science nais­sante dut, dans ces con­di­tions, être l’effroi. L’homme est sur­venu de la stupé­fac­tion. Elle est aux orig­ines de la curiosité et finale­ment, de la con­nais­sance même. Ces pier­res de sou­venir qui occu­pent le sol comme si elles gisaient sur des fonds marins veu­lent évoquer cet éton­nement ful­gu­rant qui nous saisit et nous laisse impuis­sant, aba­sourdi face à la fatal­ité. Il s’impose, de façon plus ou moins bru­tale, des éton­nements anodins du quo­ti­di­ens aux chocs mémorables du funeste. Pour moi, la STUPEFACTION est indis­so­cia­ble de la Méditer­ranée. J’ai vécu des décen­nies auprès d’une parte­naire qui en défendait les splen­deurs par la pho­togra­phie. Cette prox­im­ité avec la mer s’est con­fir­mée avec mon instal­la­tion à Mar­seille. La Méditer­ranée, j’y ai plongé, je l’ai pho­tographiée, je l’ai dess­inée… c’est dire qu’elle m’imprègne corps et âme. Peu à peu —et très incon­sciem­ment— le pro­jet d’une instal­la­tion sur le thème de la STUPEFACTION a pris sens lorsque pein­tures, argiles, sonorités et poésies ont trouvé à s’accorder autour de la dis­pari­tion en milieu marin. Le sujet me con­cer­nait directe­ment. Mais cha­cun aura une lec­ture per­son­nelle sur le sens qu’il veut don­ner de cette l’installation —selon sa pro­pre his­toire et sa pro­pre sen­si­bil­ité— y voy­ant plutôt l’expression de chants, de rires, d’exclamations… Je me sou­viens, il y avait chez mes grand par­ent une stat­uette de vierge qui était sen­sée changer de couleur selon le temps qu’il fai­sait. En vrai, son aspect ne changeait guère mais moi je la voy­ais dif­férente chaque jour non pas à cause de la météo mais bel et bien de mon humeur du moment. Aussi, ces créa­tures d’argile, moitié pois­son moitie ange, comme remon­tées du fond d’un rêve, nous met­tent face à nous même, à ce qui nous cap­tive et nous envahit quand le sen­ti­ment est si fort qu’il bous­cule la rai­son. Se révèlent-elles ainsi tran­si­tion­nelles entre l’espace intérieur et l’espace extérieur… Aupar­a­vant, une curiosité exis­ten­tielle m’avait poussé à voy­ager. En Asie d’abord, des années où je me suis intéressé aux spir­i­tu­al­ités. Puis en Amérique Latine, en Antarc­tique, en Afrique où l’observation des ani­maux m’a fait appren­dre davan­tage sur l’homme que l’étude des reli­gions et des philoso­phies. Ces dernières années mon intérêt s’est focal­isé sur le chaman­isme, objet d’un album et d’un DVD réal­isés en col­lab­o­ra­tion avec Fabi­enne Bernard, psy­choso­ci­o­logue. Et si j’ai eu l’opportunité d’exposer mon tra­vail pho­tographique dans des lieux pres­tigieux tels que la Chapelle du Lou­vre, la Mai­son de l’UNESCO, la Grande Galerie Descartes, le Doh’art fes­ti­val et la Bien­nale de Venise, mon intérêt pour les arts plas­tiques ne s’est jamais démenti depuis mes années d’étude aux écoles d’Arts parisi­ennes. Ainsi, je suis par­ti­c­ulière­ment heureux de pou­voir présen­ter jusqu’au 2 décem­bre —dans l’espace mul­ti­ple de la galerie ZEMMA­— ce tra­vail sur la mer, ou plus exacte­ment sur et sous la mer, puisque que se trouve con­comi­ta­m­ment —sur les fonds sablon­neux de la côte bleue à Niolon— le pen­dant immergé à cette instal­la­tion ter­restre. PdeW

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IMAGE AND DIVERSITY

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Being born some­where is not just a stroke of fate, with chance hand­ing out favour to some and dis­as­ter to oth­ers. Ini­tially, we are a prod­uct, the result of a chro­mo­some cross between par­tic­u­lar gen­i­tors, dis­pos­ing of their own phys­i­cal and intel­lec­tual char­ac­ter­is­tics. First of all, we belong to this bio­log­i­cal asso­ci­a­tion. And thus we become part of a sig­nif­i­cant his­tory. In the fran­tic race towards the egg cell, one sperm may win over hun­dreds of mil­lion oth­ers, but each one car­ries the pos­si­bil­ity of a par­tic­u­lar being. How could one imag­ine, with­out feel­ing the ver­tigo of infin­ity, that no gamete-ovum cross­ing has report­edly ever given an iden­ti­cal result ever since mankind is mankind. A biol­o­gist would prob­a­bly find this aston­ish­ment puerile in regard to the nat­ural chem­i­cal attrac­tion process, but per­son­ally, as a pro­fane observe and igno­rant artist, it leaves me dumb­struck. Or, as one per­ti­nent inter­net user writes on Face­book: “If one day you’re feel­ing low, remem­ber that you’re a win­ning sperm!” Per­haps if each one of us were con­scious of this mirac­u­lous priv­i­lege, we would look at our­selves dif­fer­ently. Every­thing thus dif­fers. Each expres­sion of life is unique, and what more is, it is tran­si­tory. Is it not just one string of fleet­ing images, impreg­nated by cer­tain light, cer­tain char­ac­ter and a cer­tain mood, to the point of ques­tion­ing what this peren­nial and famil­iar iden­tity that we pre­tend to pos­sess really is? What image is ours? The ques­tion is dar­ing, but nec­es­sary for the sub­ject we want to treat. To me, it is not about stir­ring up some sort of meta­phys­i­cal con­tro­versy, but only to approach the ques­tion very humbly, from the sim­ple point of view of a pho­tog­ra­pher. I would like to start with a reveal­ing exper­i­ment Con­tinue read­ing

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