L’œil Intuitif
Le photographe n’est pas un docte ainsi que l’entend la Faculté. Il génère des images comme l’Idiota, dépeint par Nicolas de Cues,* produit des objets, simplement, en artisan. Cet Idiota là n’est ni un demeuré, ni un crétin. D’esprit simple et ouvert, il serait plutôt à ranger du côté des Candide. Homme de l’instantanéité, son comportement s’appuie initialement sur l’intuition, connaissance spontanée, sensible, indubitable, qu’Henri Bergson voit comme une sympathie intellectuelle [ou spirituelle] par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un être [ou d’une chose] pour coïncider avec ce qu’il a d’unique. Se placer soi-même dans l‘objet! Ce coup d’œil fondamental est au cœur même de l’acte photographique. Il en constitue le principe essentiel et énigmatique.
QUELLE EST CETTE IMAGE ? [003]: Vue sous-marine. Détail du manteau d’un bénitier. Iles Tonga. Pacifique
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* C’est à cet auteur, philosophe allemand du quinzième siècle [1401/1464] que je dois le point de départ de mes réflexions sur la photographie, commencées en prévision d’une intervention donnée à l’université de Paris Descartes. Premier des renaissants, Nicolas de Cues avance —audace inouïe pour une époque où l’on brulait les gens pour moins que cela— que le monde est indéterminé et qu’il est impossible à l’homme de s’en faire une parfaite image car tout point d’observation diffère pour chacun. Pratiquant la philosophie négative, il élabora, dans la foulée de la sagesse socratique, le concept de la docte ignorance: “On sera d’autant plus sage que l’on saura davantage qu’on est ignorant!“ La Sagesse selon l’idiot. Édit. Hermann